Communiqué
au sujet d'une lettre du comte de Chambord, adressée à Moricet, le 21 janvier 1871
(archives de Lucques, en Toscane).
Depuis plus d'un an se tiennent sur l'internet plusieurs débats relatifs au sens à donner à une lettre écrite par le Comte de Chambord, à son secrétaire Moricet (21 janvier 1871). En particulier, on agite la question de savoir si telle expression doit être lue "reliquaire de M. Martin" ou "reliquat de M. Martin". A ce sujet, je suis plusieurs fois cité par les tenants de l'une et l'autre thèse, et on me prête diverses affirmations qui, toutes ou presque, sont inexactes.
Je précise donc :
1) dans les archives "Chambord" dont mon Cabinet assure la conservation, il n'y a pas de copie de cette lettre.
2) si on a pu croire que j'en conservais une copie (voire un autre original), c'est suite à une confusion avec d'autres lettres dont j'avais parlé à M. Philippe Delorme. Il existe en effet, dans les archives Chambord, plusieurs documents parlant tantôt de "reliquaire", tantôt de "reliquat". Il s'agit donc d'un quiproquo qui ne remet pas en cause la bonne foi des uns et des autres.
3) la lettre de Lucques est un véritable original. Le comte de Chambord écrivait volontiers au crayon, aussi bien ses notes personnelles que ses lettres à ses proches.
4) au sujet de la lecture du mot "reliquaire" ou "reliquat" : la photographie donnée par Mme de La Chapelle étant légèrement coupée, je ne veux me prononcer de façon certaine. Il me faudrait pour cela une reproduction complète.
5) en revanche, je suis catégorique sur le fait que la lecture « M. Martin » est gravement fautive. La première lettre n'est pas un M, en outre elle est totalement différente des autres M lisibles sur ce document. En comparant avec d'autres écrits du comte de Chambord, on voit bien qu'il faut au contraire lire : « St Martin ». C'est l'évidence-même. Cela donne en outre un sens très plausible à la lettre, qui parlerait tout simplement du « reliquaire de St Martin ». Le comte de Chambord recevait de temps en temps des reliques de saints (la Sainte Croix, saint Mayol, sainte Bernadette de Lourdes etc.), et il est normal qu'une personne ait voulu lui envoyer une relique d'un des premiers évangélisateurs de la Gaule.
6) il est inconcevable, contrairement à ce qu'on lit sur l'internet, que le comte de Chambord ait employé l'expression « M. Martin » pour désigner Louis XVII. Quand Mgr voulait parler de Louis XVII, il disait « Louis XVII », tout simplement.
7) pour information : on trouve dans les archives du comte de Chambord différents « M. Martin » :
-un « M. Martin » apparaît dans une lettre du comte de Chambord à M. de Franclieu (28 septembre 1872).
-un « M. Donjon de St Martin » faisait partie du Comité "chambordien" de l'arrondissement de Saint Omer (1872).
-un « M. Martin de Noirlieu » (probablement parent de l'ancien sous-précepteur de Mgr) a écrit une lettre en mai 1872, traitée par le secrétaire de Mgr.
-un « M. Al (?) A. Martin », au bureau de l'Espérance du Peuple (Nantes) : Monti lui écrivit le 2 juin 1872 pour le féliciter de son mariage avec Melle L. Angebault (d'Ancenis).
- un « M. Martin », médecin à Badesson (?) (Indre), demande un secours pour son église (8 octobre 1876).
Sur le fond : je n'ai aucune position déterminée sur la "question de Louis XVII" (survivance, cœur etc.). N'ayant dans ce domaine aucune thèse à prouver ni aucune position à défendre, ni d'ailleurs aucun intérêt à sa solution dans l'un ou l'autre sens, je me borne à exhumer des textes, à les lire et à en exposer le véritable sens objectif.
Voulant pour l'instant me borner, en ce domaine, à de simples recherches documentaires, je serais fort aise de n'être plus cité comme allié de l'un ou l'autre des partis en présence.
En outre, à titre personnel, j'estime que la question de Louis XVII n'est qu'une curiosité historique sans conséquence présente. Elle ne revêt une importance majeure que pour celui qui a du temps à perdre, des flatteries à espérer ou des hochets à quérir. A supposer que l'on établisse la survivance de la personne de Louis XVII et de sa descendance naturelle et légitime jusqu'à notre époque, cela ne changerait rien à la situation présente et à l'avenir de la Monarchie. En effet, celle-ci est un principe de pouvoir public, et il n'est pas nécessaire que le monarque soit le descendant des anciens rois, plutôt que l'enfant trouvé d'un boucher-charcutier de Trifouilly-les-Bergères. Bien au contraire, cette vaine fixation sur la "légitimité" est une aubaine pour les adversaires de la Monarchie, car elle détourne les monarchistes du seul combat qui les rendrait crédibles et efficaces : la restauration du Trône, ou plutôt l'instauration d'un nouveau Trône. Les monarchistes égarés (parce qu'immatures tant intellectuellement qu'affectivement) qui pinaillent et se chamaillent dans les impasses de la "Survivance", sont les meilleurs valets de Marianne. Nul doute qu'elle en ricane jouissivement sous son bonnet rouge ... !
Roch de Coligny
8 juillet 2011